Résumé :
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À table ! Face à un tel titre, le contenu, qui passe en revue toute la chaîne alimentaire, « du champ à l'assiette », peut surprendre. Sous la direction de Pascal Delannoy, un des piliers de Radio France, et Bertrand Hervieu, chercheur à l'INRA, cet ouvrage collectif, bien qu'il fasse allusion à certaines préoccupations des sciences humaines, reste globalement sur une approche agronomique. Il met néanmoins l'accent sur nos pratiques alimentaires afin de nous démontrer qu'elles ne sont pas immuables, loin de là : elles évoluent au gré des contraintes économiques, de la diminution du temps consacré à la cuisine, de l'éducation ou encore du milieu social, mais aussi de la diversité des produits via l'internationalisation de la cuisine. Face à cette diversité, nos choix alimentaires se complexifient et deviennent source d'angoisse devant l'effondrement du système de sécurité sanitaire. D'où le paradoxe : ce qui est bon pour le goût ne l'est pas forcement pour la santé, et inversement. Le rapprochement aliment/santé s'ensuit d'une offre diversifiée et concurrentielle entre les produits : conventionnels, bio, « alicaments », « aliments fonctionnels », etc. Chacun d'entre eux essaie de prouver ses effets « bénéfiques » ou « préventifs » dans l'espoir d'une meilleure « acceptabilité sociale » des consommateurs. Les auteurs n'oublient pas non plus de revenir sur la notion de « traçabilité » qui s'impose avec un double argument : localiser les risques de contamination et mesurer les effets « protecteurs » ; et rassurer, voire reconquérir, les « mangeurs ». C'est cette quête « sécurisante » qui fait s'interroger sur une diversité des aliments finalement peu lisible pour des consommateurs, lesquels sont désormais confrontés à des « objets comestibles non identifiés ». Une interrogation sur le contenu et le futur de notre assiette, non pas par manque de nourriture (contrairement aux pays en développement, loin d'acquérir autonomie et souveraineté en la matière) mais par les « peurs alimentaires » renforcées par des crises telles que celle de la « vache folle ». Paradoxe des sociétés modernes accomplies grâce ou à cause de la « révolution agro-alimentaire », elles se voient dans la nécessité de redéfinir leur orientation en termes de politique agricole, qui est aussi affaire d'alimentation, par une nouvelle approche de l'activité agricole : la « multifonctionalité », c'est à dire une agriculture qui ne doit pas que produire mais doit aussi préserver l'environnement et respecter les consommateurs. Une redéfinition qui en appelle aux agriculteurs, aux responsables politiques et aux scientifiques. L'ouvrage présente cette redéfinition collective comme une condition sine qua non au rétablissement d'un contrat de confiance entre la société et son agriculture, entre les citoyens et leur alimentation, sans que pour autant notre alimentation se réduise à une boîte à pharmacie. Parce qu'en fin de compte, c'est à table que l'on retrouve le plaisir de l'assiette, la nourriture du corps, de l'esprit et la notion de partage...
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