Les origines de l'humanité : épisode • 3/5 du podcast À la recherche des origines

Moulage du crâne holotype de Sahelanthropus tchadensis, surnommé Toumaï, - Didier Descouens
Moulage du crâne holotype de Sahelanthropus tchadensis, surnommé Toumaï, - Didier Descouens
Moulage du crâne holotype de Sahelanthropus tchadensis, surnommé Toumaï, - Didier Descouens
Publicité

La question de l’origine dans la recherche de l'histoire de l'humanité est à la fois centrale mais complexe. Par définition, on ne trouve jamais l'origine, le début évolutif, mais la plus ancienne trace parvenue jusqu'à nous.

Après avoir regardé dans les lumières du fond diffus cosmologique pour se rapprocher des origines de l'univers, après avoir plongé dans la soupe primordiale qui a permis à la vie d'émerger sur notre planète, nous remontons cette fois dans l'arbre généalogique de notre humanité en nous demandant à quel moment nos ancêtres sont apparus et ce que l'on entend par notre "humanité" et de quelle "humanité" on parle.

Jamais deux sans trois, puisque pas plus que pour l'univers, la vie, on ne peut déterminer une quelconque origine ou point zéro de l'existence de notre humanité. En effet, plus on va remonter dans le temps, moins les différences entre les lignées sont visibles. S'il peut y avoir plusieurs points de références définies par ce qu'on appelle en paléontologie, les points de divergences, il est scientifiquement impossible de déterminer un point de départ, dans la mesure où l'évolution de notre lignée humaine est indissociable de la continuité du vivant. Ce qui fait que quand on essaye de déterminer le point de réunion de deux branches, cela reste quelque chose d'absolument théorique.

Publicité

Vous verrez que cette idée que l'idée que plusieurs lignées se rejoignent à un moment n'a pas de réalité biologique, tant on ne peut pas vraiment le reconnaître. De là, toute la difficulté d'arriver à remonter dans le temps pour essayer de réunir des caractéristiques de groupes d'évolutions qui ont pendant longtemps été réunis. Nous nous retrouvons constamment face aux contradictions de notre désir de catégorisation biologique là où le vivant se définit dans une logique de continuité et non d'individualités.

"Entre 200 millions d'années et 300 000 ans" : plusieurs points de divergence

Depuis les premiers mammifères dont on se rapproche, en passant par l'apparition des premiers primates entre 85 et 55 millions d'années, puis l'existence d'Homo Sapiens, comment s'y retrouver ?

Notre ligné humaine dépend avant tout d'une évolution continue du vivant

L'intervalle de temps théorique est aussi vaste que la réponse à cette question est impossible à déterminer scientifiquement puisque nous oublions trop souvent que nous dépendons d'une chaîne d'évolution qui s'inscrit dans la continuité

Cette question que nous nous posons tout naturellement tient au fait que notre culture humaine a toujours cherché, explique le paléontologue Jean-Jacques Hublin, à se distinguer du reste de la nature, mais il est difficile, voire impossible de déterminer un premier représentant à quelque évolution de l'humanité que ce soit : "nous nous considérons comme des créatures uniques et exceptionnelles, mais si on prend ces caractères et qu'on remonte dans le passé, on se rend compte qu'ils n'apparaissent pas à un moment particulier, mais bien de façon progressive et dans le désordre, ce qui rend très difficile la détermination d'une date. On aimerait avoir un point de rupture de référence pour signaler le point de départ des hommes, mais en réalité, l'évolution fait que chaque être est relié à des êtres qui l'ont précédés très loin dans le passé par une chaîne continue de générations. Les seules dates qu'on puisse donner correspondent à des points de divergence entre plusieurs lignées".

Un ancêtre commun à tous les singes ?

Si on part du principe que les êtres humains sont tous des héritiers des singes, on peut se demander s'il existe un ancêtre de tous les singes ? Brigitte Senut estime qu'il faut remonter à plus de 200 millions d'années au cours du cénozoïque, dès la fin du crétacé où on constate que des mammifères se sont plus sensiblement rapprochés de nous. Les premiers primates connus remontant à 55 millions d'années.

Divergence entre les grands singes et les ancêtres directs des humains

Nous pourrions d'abord remonter à cette grande dichotomie entre 3 et 8 millions d'années où les hominoïdes ont divergé en deux groupes, et qui d'un point de vue anatomique, fonctionnel, environnemental a opéré une première singularité, mais avec des espèces qui ne se ressemblaient pas du tout pour autant et ne présentaient aucune homogénéité.

Lucy et la bipédie ?

Du point de vue des fossiles, vous comprendrez combien la locomotion est quelque chose de fondamental, et celle-ci ne s'effectuait pas dans n'importe quel milieu. Pour autant, il y a eu plusieurs formes de bipédie, y compris chez les pré humains. La plus significative aujourd'hui restant la découverte de Lucy, le tout premier pré-humain co-découvert en 1974 par Yves Coppens (Australopithecus afarensis), premier représentant des ancêtres de l'homme (mais qui n'était pas encore un homme), ayant existé il y a 3,2 millions d'années, mais qui a démontré que l’acquisition de la bipédie datait de cette période-là.

À partir du genre homo, il y a un peu plus de 2 millions d'années ?

Même si c'est l'occasion de comprendre que les premiers représentants du genre homo ne sont pas si différents des australopithèques d'où toujours cette zone grise sur le temps long qui demeure, c'est un point de divergence en ce que les changements de comportements sont très importants. L'homme devient le seul primate-prédateur capable de chasser des animaux plus gros que lui. Homo devient chasseur-collecteur, fabrique des outils, des armes et sort d'Afrique pour coloniser l'Asie. Un changement très important dont l'évolution est liée à un changement climatique qui influe sur les modalités de chasse et de déplacements.

Avec pour en parler :

Brigitte Senut, professeure de paléontologie au Muséum national d'histoire naturelle, spécialiste du Miocène, elle consacre ses travaux aux grands singes africains et aux pré-hominiens fossiles. Elle a été récompensée en 2008 par le Prix Joliot-Curie comme Femme scientifique de l’année. En 2019 Elle a reçu le Grand Prix scientifique de la Fondation Simone et Cino Del Duca sur le thème « Paléontologie humaine, évolution des hominidés et origine de l’homme moderne » pour son projet « Origines et évolution des proto-hominidés ". En l’an 2000 ; au cours de fouilles dans le Rift kenyan elle a mis au jour les restes d'Orrorin tugenensis. Cet hominidé, l’un des premiers bipèdes s'est révélé être deux fois plus âgé (6 millions d’années) que Lucy et fut qualifié de « fossile du millénaire ») que la célèbre Lucy.

Antoine Balzeau, paléoanthropologue au CNRS et au Museum National d'Histoire Naturelle de Paris. Il a publié en février 2022 aux éditions Tallandier un Brève histoire des origines de l’humanité.  Spécialiste de l’évolution du cerveau humain, il est responsable du projet Paleo Brain

Jean-Jacques Hublin, paléoanthropologue, professeur titulaire de la chaire de Paléoanthropologie au Collège de France, il a été directeur jusqu'en 2021 du département Evolution Humaine de l’Institut Max Planck à Leipzig en Allemagne. En 2017, il dirige, avec le Pr Abdelouahed Ben-Ncer, une équipe internationale qui met au jour des restes d’Homo sapiens primitifs associés à des outillages de pierre et des restes de faunes à Jebel Irhoud, au Maroc.

🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

À réécouter : Les origines de l'Univers
La Terre au carré
54 min

Programmation musicale

  • Bibi Club

    Le matin

    Album Le soleil et la mer (2022)

    Label SECRET CITY RECORDS

  • NICK WATERHOUSE

    Monterey

    Album Monterey (2022)

    Label INNOVATIVE LEISURE

L'équipe

pixel